Voici une chronique publiée par le Club de Soccer des Rivières de Québec, avec laquelle Soccer Haut-Richelieu partage le contenu.
http://csrq.qc.ca/technique/chroniques/avant-de-quitter-votre-club/
AVANT DE QUITTER VOTRE CLUB
Quand février survient dans mon monde de directeur technique, il est toujours accompagné d’une musique bien connue. 1-2-3, 1-2-3, 1-2-3…
La valse des changements de club commence. Je reçois des courriels et des appels de parents qui veulent venir chez nous, au Phénix. D’autres veulent quitter. La plupart du temps, ce sont les mêmes commentaires qui surviennent:
- « Ma fille (mon gars), fait des passes, mais les autres ne comprennent pas. »
- « Mon gars (ma fille), n’est pas aimé(e) par son entraîneur. »
- « Le club (les autres, le nôtre) n’a pas de vision. »
- « Il y a des joueurs qui ne l’aiment pas. »
Et on parle de jeunes joueurs ou joueuses âgé(e)s entre 9 et 15 ans !
À tous, je réponds toujours la même chose:
« NE PARTEZ PAS. »
Souvent, cette réponse surprend, surtout que je la défends avec vigueur. Je vous propose donc d’approfondir ce sujet délicat et trop souvent émotif en vous présentant trois avis sur le sujet:
- Celui d’Helder Duarte, directeur technique de l’ARSQ depuis 25 ans et entraîneur au Rouge et Or depuis 20 ans.
- Celui de Stéphane Duchesne, professeur titulaire au département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval.
- Le mien.
L’avis du Grand Sage, Helder Duarte
Quand j’ai parlé à Helder de la valse des changements de club qui existe à cette époque de l’année, il a ri de découragement et m’a partagé son expérience :
« Je ne comprends pas pourquoi les parents embarquent leurs enfants dans de telles situations, de tels chambardements émotifs. Je dis bien les parents, parce que lorsque je croise les joueurs 5 ou 10 ans plus tard, j’ai toujours le même verdict: « C’était mon père (souvent le cas) qui voulait que je change. Il disait que mes ami(e)s n’étaient pas assez bons. Que mon coach ne m’amènerait pas plus loin. Que le Club était tout croche.»
« Ce qui me fait rire là-dedans, c’est que tous les clubs sont à la fois les pires et les meilleurs quand on tend l’oreille et que l’on se trouve dans ma situation. Tout le monde pense que c’est mieux ailleurs, que le fameux gazon est plus vert chez le voisin. Il y a zéro sentiment d’appartenance au club, qui, au final, aura mis des efforts, du temps et de l’argent dans la formation de ce joueur ou de cette joueuse. »
Je lui ai alors demandé si les joueurs avaient réellement de meilleures performances, si c’était bon à long terme.
« À court terme, on voit une petite amélioration, mais souvent, la performance diminue, car le joueur est moins à l’aise, plus inquiet, plus stressé. Il voit moins ses amis. Le temps passe et l’intérêt y est moindre. Des fois ça mène à l’abandon du sport, alors que d’autres fois, on assiste à un retour au club quitté, pour retrouver les amis. Des fois ça fonctionne aussi et les joueurs y trouvent leur compte. Cependant si on faisait un bilan sur quelques années, on se rendrait compte que le nombre de joueurs qui changent de club et qui sont satisfaits à 100% est peut-être moins élevé qu’on pense. »
Autre facteur important évoqué par Duarte : la venue de nouveaux joueurs au sein de l’équipe qui peut parfois briser quelque chose de fort qui s’est installé au fil du temps. « C’est certain que plusieurs ne seront pas d’accord avec moi, mais c’est ce que je pense, parce que pour moi le sentiment d’appartenance est extrêmement important. J’ai toujours de la difficulté avec les équipes qui réussissent à se classer en AAA avec un groupe de joueurs et qui, la saison suivante, sont prêts à changer la moitié de l’équipe en allant chercher des joueurs partout pour gagner. Quel message envoie-t-on aux joueurs qui ont travaillé pendant des années pour atteindre leur rêve? Lorsqu’ils y sont arrivés on les jette à la première occasion. C’est une roue qui tourne, il n’y a pas de sentiment d’appartenance chez les joueurs parce qu’ils vivent des situations semblables, et il n’y a pas de sentiment d’appartenance chez les entraîneurs parce qu’ils se disent que dès qu’un joueur peut partir, il le fait. »
L’avis du scientifique, Stéphane Duchesne
D’emblée, il faut savoir que monsieur Duchesne est entraîneur au Phénix. Il connaît donc le contexte, notre réalité soccer. Ce que j’ai surtout retenu de notre discussion, c’est que ce mouvement de joueur peut être lié à la motivation.
D’abord, il faut comprendre que l’enfant, voire l’adolescent, pour persévérer dans un contexte d’apprentissage (le sport dans notre cas), a besoin de se sentir libre et de sentir que 3 besoins de base sont remplis:
- l’autonomie: j’agis volontairement ;
- la compétence: je me sens capable ;
- l’appartenance: je me sens lié, accepté par les joueurs, les entraîneurs.
Ce qu’on souhaite, c’est que l’enfant agisse selon une motivation autodéterminée, afin qu’il persévère plus longtemps. Comme parents, donc, il faut éviter de s’immiscer dans la construction de cette motivation par l’entremise de commentaires dans la voiture, à la maison ou lors de discussions avec l’entraîneur ou d’autres parents relatant notre insatisfaction sur:
- la compétence et la performance du club ;
- la compétence et la performance de l’équipe ;
- la compétence et la performance des coéquipiers ;
- la compétence et la performance de l’entraîneur ;
- la compétence et la performance de l’enfant.
Il faut éviter ce genre de discours, car il intervient sur la motivation de l’enfant. En fait, en agissant ainsi, on vient exercer un contrôle sur la motivation et l’enfant se met à agir par culpabilité, développe de l’anxiété et adopte des comportements visant à satisfaire le parent et non se satisfaire lui-même.
Ainsi, si l’enfant perçoit à travers le discours parental que changer d’équipe, quitter ses amis et migrer vers un autre club semble être LA solution, il le fera. Pas par choix, mais bien par culpabilité liée aux pressions internes parentales et pour soulager cette culpabilité et l’anxiété qui en découle. Ces interférences jouent sur la notion de choix du joueur et à long terme, augmente les chances de décrocher.
Mon avis
Lorsque je discute avec les parents et parfois les joueurs, je me base souvent sur l’adage voulant que le sport « est une école de vie ».
Si les raisons de départ évoquées m’apparaissent bénignes, j’aime bien aiguiller les parents sur l’importance de l’adversité dans la vie d’un sportif, d’un futur adulte.
En effet, que ce soit dans le sport, à l’école lors d’un travail d’équipe ou dans une future carrière, il y aura toujours de l’adversité. Il y aura toujours:
- un collègue à qui on donne un coup de main sans que l’ascenseur ne revienne ;
- un patron qui nous donne l’impression de ne pas nous aimer ;
- un employeur qui ne nous présente pas de marque de reconnaissance ;
- un collègue qui ne nous aime pas.
Il faut faire face à l’adversité. Grandir devant les obstacles. L’idée de fuite ou si vous me permettez l’expression « ça fait pas, je m’en vais », n’est encore, au risque de se répéter, qu’une solution à court terme. Il est nettement plus profitable pour un enfant que son parent:
- s’assoit avec son directeur technique;
- dresse un portrait de la situation;
- travaille avec l’entraîneur, le directeur, le parent et l’enfant à trouver des solutions, tracer des objectifs et se fixer des buts communs.
Le tout dans un climat positif.
Car, avouons-le, il est très rare que les transferts se fassent dans des conditions positives, sans cachotterie ni malaise de l’enfant face à son entraîneur, ses amis et son sport.
Changement de club amène tensions et anxiété. On a vu le résultat à long terme sur la motivation plus haut… Surtout, il ne faut jamais perdre de vue qu’un enfant ou un adolescent intègre les comportements, les réactions de ses parents à ses schémas comportementaux. Les parents sont les premiers modèles de l’enfant. L’enfant a donc tendance à reproduire les comportements parentaux.
Finalement, en partant du principe que le sport est une école de vie, je vous adresse la question suivante: »Vaut-il mieux guider l’enfant vers la résolution de problème et solidifier sa personnalité plutôt que de fuir l’adversité? »
Bonne réflexion !
Jean-Michel Collin, Directeur Technique CSRQ
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